Le CO2 des émetteurs industriels est capté, comprimé puis transporté par pipeline ou bateau jusqu’au lieu de stockage géologique : aquifère salin profond, ancien gisement d’hydrocarbures ou encore veine de charbon non exploitée. © Agence Idé
Énergie du sous-sol et décarbonation
Résultat remarquable / Une première avancée pour le stockage géologique de CO₂ en France
Réduire les émissions de gaz à effet de serre et notamment de dioxyde de carbone (CO2) – principale cause du changement climatique selon les derniers rapports du GIEC – est aujourd’hui un enjeu majeur. Dans ce contexte, la capture et le stockage de CO2 dans le sous-sol comptent parmi les stratégies concourant à la neutralité carbone à l’horizon 2050. La Commission européenne, dans son règlement pour une industrie « zéro net » (Net-Zero Industry Act), les considère même comme un important levier de décarbonation et prévoit le développement, d’ici à 2030, d’une capacité annuelle d’injection d’au moins 50 millions de tonnes de CO2 à l’échelle de l’Union européenne. Chaque pays a donc été invité à estimer ses capacités de stockage géologique sur son territoire…
Deux types de réservoirs géologiques
C’était l’objet de l’étude EVASTOCO2 commanditée par la direction générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) du ministère de la Transition écologique, cofinancée par l’Ademe et coordonnée par le BRGM. Autour de l’établissement, plusieurs acteurs spécialisés dans la connaissance et l’exploitation du sous-sol (Akkodis, Avenia, CVA, Geostock, IFPEN, Teréga, TotalEnergies, Université de Lorraine) ont contribué à la réalisation d’un inventaire des capacités de stockage géologique de CO2 en France métropolitaine, à terre et en mer. Car si des essais de capture et de séquestration du carbone y sont menés depuis une quinzaine d’années, cette technologie n’y est pas encore développée au niveau industriel, contrairement à d’autres pays. « L’idée, actuellement, est de capturer le CO2 en sortie de combustion pour le transporter vers des sites de stockage géologique principalement en Europe du Nord, indique Thomas Le Guénan. Or ce transport représente un coût important pour les émetteurs industriels. » Développer l’injection localement s’inscrit donc dans une stratégie de souveraineté économique et d’autonomie de la filière au niveau national.
EVASTOCO2 ciblait cinq zones dans les grands bassins sédimentaires de l’Hexagone que sont le Bassin parisien, le Bassin lorrain, le Bassin aquitain, le bassin du Sud-Est et le golfe du Lion ainsi que la façade Atlantique (Manche, golfe de Gascogne). Le stockage géologique de CO2 s’effectue en effet dans des roches sédimentaires poreuses, situées à plus de 900 mètres de profondeur. Mais pour éviter toute remontée et tout échappement de gaz suite à l’injection, ces roches « réservoirs » doivent être surmontées d’une roche « couverture », une couche imperméable. « Ces conditions sont naturellement présentes dans deux types de site : les anciens gisements d’hydrocarbures – les ‘réservoirs déplétés’ – et les aquifères salins profonds, dont l’eau est impropre à la consommation, explique Thomas Le Guénan. Ces derniers présentent d’ailleurs un fort intérêt compte tenu de leur potentiel de stockage important et de leur bonne répartition géographique sur l’ensemble du territoire métropolitain. »
Les zones potentielles de stockage géologique de CO2 étudiées dans EVASTOCO2. Au total, 4 700 millions de tonnes de CO2 pourraient être stockées dans le sous-sol métropolitain. © BRGM
Vers des études ciblées localement
Le potentiel des réservoirs déplétés et des aquifères salins a été analysé « suivant une méthodologie que, face à la diversité des partenaires impliqués, nous avons veillé à unifier, pour l’identification et la caractérisation des ressources ainsi que pour le calcul de l’incertitude associée aux estimations », souligne André Burnol, qui a coordonné l’étude. « Les résultats révèlent que la France métropolitaine dispose d’un important potentiel de stockage géologique, estimé à 700 millions de tonnes de CO2 pour les réservoirs déplétés et 4 000 millions de tonnes pour les aquifères salins profonds, dont 2 300 millions de tonnes à terre et 1 700 millions de tonnes en mer », résume Aurélien Bordenave.
L’étude a livré un atlas national des capacités potentielles de stockage géologique du CO2, à travers une cartographie détaillée des sites considérés, ainsi qu’un recensement des autres usages actuels ou futurs du sous-sol. « En tant que première estimation, EVASTOCO2 constitue une avancée significative, fait valoir Thomas Le Guénan. Des études ciblées seront toutefois nécessaires pour affiner les capacités réelles de chaque réservoir et déterminer la faisabilité, aux plans technique, économique et sociétal, d’un projet de stockage géologique de CO2 à une échelle plus locale. »
Zoom sur les zones potentielles de stockage de CO2 dans le Bassin parisien. © BRGM