Carte de favorabilité pour le cobalt en Europe (version préliminaire), obtenue par la méthode DBA (Disc Based Association) dans le cadre du projet GSEU – Geological Service for Europe. © BRGM
Ressources minérales et économie circulaire
Résultat remarquable / La prédictivité pour optimiser la recherche et l'exploitation des ressources minérales
La prédictivité, Guillaume Bertrand, géologue expert en ressources minérales, la met au service de l’exploration en produisant une cartographie de la favorabilité de la présence d’occurences minérales, appelée justement « cartographie prédictive ». « Elle accroît la probabilité de découvrir des gisements en orientant vers les zones les plus favorables les travaux exploratoires, qui sont onéreux et qui mobilisent des techniques de plus en plus invasives au fil de leur avancement. Il convient donc de bien cibler ces opérations, afin d’en optimiser le ratio coûts/bénéfices et d’en limiter l’impact sur l’environnement. » L’extraction de ressources naturelles comptant parmi les usages du sous-sol, la cartographie prédictive constitue également une aide à la décision pour l’aménagement du territoire.
Plusieurs projets visent à développer ces outils, en particulier pour les matières premières critiques utiles à la transition énergétique et numérique, dans le but de sécuriser les approvisionnements nationaux. C’est l’objectif du projet GSEU (Geological Service for Europe) lancé fin 2022, qui réunit 48 organismes autour de la mise en place d’un service géologique au niveau européen, le BRGM coordonnant le volet sur les ressources minérales. « GSEU fait suite au projet GeoERA-Frame, achevé en 2021, qui incluait la cartographie prédictive, à l’échelle européenne, de sept ressources minérales critiques, rappelle Guillaume Bertrand. Il élargit les travaux à l’ensemble des substances considérées comme critiques en Europe, avec un focus sur celles nécessaires à la transition énergétique, et vise à affiner la cartographie au niveau des grandes provinces géologiques comme la ceinture ibérique et le bouclier fennoscandien. » L’enjeu : faciliter la découverte de nouveaux gisements pour relocaliser en Europe une partie de l’extraction et de la production de ressources minérales critiques, comme le prévoit le Critical Raw Materials.
La cartographie prédictive peut être enrichie, comme dans le projet EIS (Exploration Information System) en cours, par des modèles de gisements qui, en facilitant la compréhension des processus de formation des minéralisations, renforcent sa précision et sa fiabilité.
Coupler simulation et ACV (analyse du cycle de vie)
La modélisation numérique est aussi utilisée pour étudier les procédés d’extraction des métaux à partir des minerais, en particulier la biolixiviation, technique utilisant des bactéries. « Le BRGM a développé des modèles CFD (Computational Fluid Dynamics) mais aussi cinétiques et thermodynamiques pour décrire, comprendre et prédire les phénomènes physicochimiques et biologiques à l’œuvre lors de ce processus et évaluer les consommations de réactifs et d’énergie, indique Douglas Pino Herrera, ingénieur en (bio)procédés. Cela permet de déterminer quelles conditions physicochimiques et hydrodynamiques améliorent l’efficience et l’efficacité. »
La simulation des procédés peut également alimenter la méthode ACV (analyse du cycle de vie) appliquée aux matières minérales, pour déterminer leurs impacts environnementaux selon les techniques utilisées. « Ce couplage se retrouve dans des projets européens comme HiQ LCA et CICERO, démarrés en 2023, ou encore InnovTech, dans le cadre du PEPR Sous-sol : Bien commun, qui explorent l’écoconception de procédés d’extraction et de purification, en particulier pour le nickel et le cobalt », décrit Douglas Pino Herrera. La modélisation contribue enfin à évaluer la faisabilité technico-économique d’un procédé, depuis son développement jusqu’à son industrialisation. Le projet H2020 NEMO par exemple, terminé en 2022, cherchait à réduire les coûts de la biolixiviation pour la rendre pertinente pour l’extraction des métaux contenus dans les déchets miniers.
Schéma des principaux types de données utilisables en cartographie prédictive et des principales étapes de leur traitement. © BRGM
Reformer des matériaux
Le projet Iterams, achevé en 2020, visait déjà la valorisation des résidus de traitement. « Ce sujet est toujours d’actualité, confirme Sylvain Guignot, ingénieur chercheur. Nous nous intéressons en particulier aux boues produites par l’extraction du cuivre et du nickel, qui représentent plusieurs milliards de tonnes par an au niveau mondial ! » Rejetées dans de grands bassins, celles-ci présentent non seulement un risque de pollution de l’environnement, notamment au contact de l’eau, mais contiennent aussi des éléments qui pourraient être réutilisés, comme la silice et l’aluminium. « Ils ont été solubilisés mais peuvent reformer, par géopolymérisation, des matériaux potentiellement utilisables sur site, comme couverture des bassins de stockage ou comme remblai des cavités créées par l'industrie extractive. » Aussi le BRGM a-t-il développé un modèle géochimique de ces mécanismes, qui permet d’évaluer le potentiel de géopolymérisation d’une boue et de prédire les propriétés d’usage des matériaux formés, notamment leurs contraintes à la compression. « Ce modèle représente bien les cas que nous avons étudiés mais doit encore être développé pour devenir généralisable. »
Modélisation CFD du comportement d’un fluide dans un réacteur agité de biolixiviation. La CFD aide à prédire la dissipation de l’énergie du fluide (à gauche) et la vitesse et la direction de son mouvement (à droite). © BRGM - C. Loubière